L’affaire de St Albans : une opération de terreur sudiste en 1864

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L’affaire de St Albans : une attaque du Sud contre le Nord en 1864

Le 19 octobre 1864, la petite ville frontalière de St Albans, entre le Québec et L’État du Vermont, est attaquée et pillée par 22 soldats confédérés du Sud, commandés par le jeune lieutenant Bennett Young. Venus à Montréal comme simples gens d’affaires, Young et ses hommes vont attaquer leur ennemi du Nord, en passant la frontière canadienne entre Frelighsburg et St-Armand. Cette attaque militaire sudiste, contre les arrières des États du Nord, avait pour objectif de créer une diversion pour déserrer l’étau militaire et économique de Washington contre les États du Sud. Le mandat du groupe était d’établir une insécurité constante sur la frontière canadienne par des raids rapides et dévastateurs.

Le raid sur de St Albans se déroule selon le plan prévu, excepté l’assassinat d’un citoyen, créant un traumatisme pour la population du Vermont avec quatre banques dévalisées et une partie de la ville incendiée. Les agresseurs sudistes réussissent à s’enfuir par petits groupes vers le Québec pour échapper à la cavalerie fédérale, qui les poursuit pourtant au-delà la frontière internationale tracée en 1814. Pensant être en sureté au Canada, du fait de la neutralité bienveillante de l’Angleterre envers leur gouvernement confédéré, Young pense pouvoir répéter ce type d’attaque à partir du Québec. Mais les autorités locales canadiennes comprennent rapidement les risques de la situation diplomatique.

Une crise diplomatique internationale

La traque aux pilleurs commence dans tout le Canton de Dunham, car c’est avec difficulté, que les hommes de loi du Comté renvoient les troupes militaires «Yankees» de l’autre côté de la frontière. Plusieurs sudistes sans uniforme, dont le lieutenant Young, vont être arrêter dans les villes frontalières de Frelighsburg et Stanbridge East, où dans une chambre d’hôtel, des citoyens et hommes de loi surprennent le premier groupe de fuyards. L’affaire de St Albans prend une ampleur internationale, avec les incursions nordistes et les risques de représailles militaires à la frontière, provoquant la peur et la colère au sein de la population civile. Si plusieurs hommes échappent à la chasse à l’Homme, grâce à des complicités locales, la plupart sont envoyés aux autorités de Montréal.

Le juge Smith, haut magistrat de Montréal, se retrouve en charge de régler cet épineux dossier. Pris entre les menaces de Washington et la pression populaire Montréalaise en faveur des prisonniers, il finit par donner une peine minimale aux hommes du sud, qui revendiquent leur statut militaire en opération commandée. Young est relâché en avril 1865, avec le fruit du pillage des banques, soit une valeur réelle de 20 000 dollars US sur l’estimation exagérée de 200 000 dollars par le Vermont. Mais tous les prisonniers sont immédiatement transférés à Toronto et y sont condamnés à dix mois de prison, pour violation de la neutralité britannique dans le conflit civil américain.

Ce jugement en sol canadien de Young et ses hommes provoque un incident diplomatique majeur entre Londres et Abraham Lincoln. Il demande lui-même à son état-major un plan d’invasion du Canada. L’opinion publique, enflammée par la presse unioniste, presse le président Lincoln d’en finir avec «l’odieuse et abjecte traitresse anglaise du Canada…». De son côté, Londres ne cède en rien au chantage de Washington. Mais tout en gardant son soutien aux anciennes colonies du Sud, l’Angleterre prend très au sérieux la menace, consciente «des vues politiques et économiques de l’Union à l’encontre des territoires de l’Amérique du Nord britannique». Prudent, le pouvoir britannique renforce son dispositif militaire de fortification sur le St Laurent et les Grands Lacs. Sans grande préparation militaire, les miliciens locaux sont en état d’alerte entre le lac Memphrémagog et la Baie Missisquoi.

Rancoeur à la frontière de 1864 à 1870

L’affaire de St Albans représente une crise profonde dans les relations entre les États-Unis et leur voisin canadien. En 1866, Washington soutient les attaques irlandaises des Féniens (Fenians) contre le Canada. De fait, Les Vermontois encouragent The Fenian’s Raid contre les villages et fermes de Frelighsburg, Dunham et St Armand, comme la réponse au The St Albans Raid de 1864. Finalement, pour le lieutenant Bennett Young exilé en Europe, l’affaire se termine en 1868, quand le gouvernement américain annule les condamnations par contumace à son encontre. Devenu homme d’affaires, ses mémoires, The secret history of the St Albans Raid, seront publiées en 1902 dans le journal The Vermonter gazette.

The Raid, un western qui scénarise cette attaque sudiste contre le nord

Produit en 1954 par le réalisateur hollywoodien d’origine argentine, Hugo Fregonese, le vieux western THE RAID représente un classique du genre dans le cinéma américain. Basé sur l’ouvrage d’Herbert Ravenal Sass « Affair of St. Albans», ce film relate un fait historique important, se déroulant au Vermont sur la frontière entre le Canada et les États-Unis, durant la guerre de Sécession américaine (1861-1865). copyright-Laurent Busseau-septembre 2011

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