Petite histoire de la contraception médiévale

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La contraception durant toute la période médiévale ne peut être définie sans compréhension des concepts de la procréation imposés par l’Église chrétienne. Tous les savoirs médicaux, scientifiques ou culturels dépendaient du contexte religieux, basé sur l’influence des sociétés patriarcales du pourtour méditerranéen, associant la femme à la tâche de procréation de l’espèce humaine.

L’Église et la sexualité

Des Francs au régime des premiers capétiens, la sorcellerie sexuelle utilise plusieurs méthodes contraceptives archaïques pour contrer une natalité indésirable. Entre le XIIIe siècle et le XVe siècle, les pratiques de la contraception vont peu à peu devenir un enjeu social important pour l’Église, ceci principalement dans la lutte contre les hérésies et pour interdire le contrôle de la procréation hors des limites du mariage sacralisé par l’institution ecclésiastique. D’un acte isolé et sans conséquence politique à la fin du XIIe siècle, la sorcellerie liée à la contraception se transforme en délit d’hérésie contre le pouvoir de l’Église et de l’État à la fin du XVe siècle.

Pour la religion chrétienne, Dieu était dans toute forme de vie, y compris dans la semence de l’homme. Selon l’ancienne croyance biblique, l’homme est une créature de Dieu ne possédant aucun droit sur sa propre reproduction. L’idéologie religieuse définit le sperme de l’homme médiévale comme étant œuvre de Dieu. Par conséquent la pensée chrétienne médiévale impose à la femme de respecter et de fructifier la semence du divin. 

Ce mythe religieux imposait à ce dernier d’assumer sa matérialité naturelle comme un don pour la gloire du Dieu omniprésent et patriarcal. L’idéologie de la virginité et de la pureté charnelle féminine avant enfantement se retrouvait liée à celle de la pureté originelle d’Adam et Ève avant leur expulsion du Paradis terrestre par Dieu. Considérée comme la chute de l’Ange, l’union physique définie comme une fornication satanique entre l’homme et la femme représentait une faute grave, dont seul le mariage religieux sauve les âmes humaines de leur turpitude. Fortement inscrite dans la philosophie du christianisme dès le Ve siècle, cette doctrine restera longtemps le socle de l’Église romaine.

 Théologiquement, la contraception représente une intervention physique humaine dans un processus de l’œuvre naturelle et divine de la procréation. Entre la sorcellerie et la prostitution, la pratique de la contraception demeure avant tout une affaire de femme remettant en cause la doctrine de l’Église.

Les différentes méthodes liées à la contraception restent l’un des points de friction entre les femmes et l’Église. Le mariage demeure une alliance sacralisée par l’Église possible pour honorer l’œuvre de Dieu sur Terre, mais la contraception remet en cause ‘’tout usage du mariage par l’exercice duquel l’acte (du rapport charnel) est privé, par artifice humain, de sa capacité naturelle de procréation.’’

La sorcellerie sexuelle durant le Haut Moyen Age

Le Haut Moyen Âge représente plusieurs périodes de sociétés rurales et guerrières, peu habituées à la morale sexuelle comme aux revendications féminines. La sorcellerie était connue pour rendre infertile une terre ou un troupeau voisin lié aux anciennes croyances païennes.

Par définition le sorcier est un jeteur de sortilège, ce qui implique une double personnalité durant le Haut Moyen Age. L’homme ou la femme qui sont doués de pouvoir pour contrer la nature première des choses et des êtres vivants, possèdent un lien avec le monde des esprits et autres mondes parallèles tirés des anciennes religions

Dans le cas de sortilège contre la nature humaine, la loi salique franque donne une punition au coupable de maléfices sous forme d’amende à payer uniquement (le Wehrgeld). Les termes qui expriment ces agissements sont souvent des métaphores symboliques. A l’exemple du fait de dévorer un homme ou une femme, la loi s’appliquant aux sorciers et sorcières incriminés définit un délit sexuel de la procréation détournée (impuissance provoqué, sodomie, ou autres pratiques contraceptives) avec utilisation de potions interdites.

Les maléfices des lanceurs de tempêtes et de grêle et les incantateurs des mauvais esprits peuvent recevoir le fouet pour l’infertilité de la terre et des récoltes. Dans le monde rural du haut Moyen Age rendre infertile la terre est plus grave que de rendre infertile une femme. Devant la recrudescence du paganisme rural, l’Église chrétienne tente d’imposer une moralité religieuse dans certain rituel lié au arbres, pierres et fontaines. La mise à mort d’un nouveau-né non désiré et les abandons de bébé deviennent des actes de sorcellerie établit par plusieurs Canons ecclésiastiques (au Concile de Tours en 567 , toutes pratiques cultuelles en dehors d’une église sont considérées comme hérétiques).

Tout en condamnant les actes de sorcellerie sexuelle comme les sortilèges d’enchantement et les philtres d’amour, les mérovingiens imposèrent à l’Église une législation et une politique laïque dont les mœurs et les coutumes, à l’exemple du concubinage royal et la répudiation de la femme hors du mariage s’opposent au concept de l’Église.

La condition sociale des concubines et des secondes épouses au sein de la noblesse mérovingienne a amené l’Église à revoir ses préceptes de base, car ils s’opposaient au système féodal germanique qui usait du mariage comme un jeu politique d’alliance et de lignage.

Néanmoins, si la sexualité hors mariage tient une place sociale importante dans la société du haut Moyen Âge, la connaissance des moyens contraceptifs par les femmes reste encore un acte punissable par la loi germanique. La femme se trouve prise entre la virilité sociale et la morale religieuse, n’ayant pour elle aucun contrôle sur elle-même et sa propre sexualité. Les outils de la contraception au niveau aristocratique offrait seulement à une élite un simple répit dans le jeu familial et politique.

La période carolingienne va transformer les rapports entre l’État et l’Église. Cette dernière prend une place politique dans les infrastructures administratives durant le règne de Charlemagne (Karl Magnus). La chasse juridique s’organise autour des fabricants de potions et autres enchanteurs.

La principale sorcellerie condamnée juridiquement pour ses techniques contraceptives est le sort d’impuissance sexuelle jeté sur un homme en âge de procréer. Le terme Ligatures définit la sorcellerie sexuelle dans canons carolingiens condamnant certaines pratiques de magie.

Les philtres d’amour définissent plusieurs phénomènes de la sexualité maléfique, car certain sont traités comme des drogues sexuelles et érogènes, mais certaines semblent surtout définir une utilisation de la sexualité sans volonté de conception natale. Le philtre devient un outil libérateur des peurs et des angoisses de la naissance, lors de rapports illégitimes.

La dynastie capétienne du Xe au XIIIe siècle

Dès les premiers temps de la dynastie capétienne, la bâtardise et le rapt nuptial restaient des vieilles coutumes barbares acceptées, mais au fur et à mesure que l’État royal prend forme, le besoin d’un lignage noble et religieusement acceptable commence à se faire sentir. La contraception apparue comme une sauvegarde muette de la femme contre tout accident de parcours avant mariage.

Faiblement utilisée avant cette période, la contraception commence à apparaître comme une nécessité politique au XIe siècle, car les notions de descendance et de lignage deviennent de plus en plus institutionnalisées. Les filles de la haute noblesse se retrouvèrent prisonnières d’un carcan social où leur virginité matrimoniale se transformait en devoir d’État. 

Entre le XIIe et le XIIIsiècle, un tournant décisive pour la société et la culture médiévale va amorcer la découverte de nouveaux courants de connaissance aux portes de l’Occident. Une renaissance intellectuelle et médicale d’influence arabe filtre par l’école littéraire et savante de Salerno en Espagne, apportant de nouveaux concepts scientifiques et culturels dû à la civilisation arabe d’Andalousie.

De nouveaux courants de pensée religieuse vont peu à peu apparaître dans l’espace capétien. La sorcellerie devient un acte anti religieux lié à des croyances hérétiques beaucoup plus répandues dans la société capétienne. L’apparition de certaines hérésies d’importance vont transformer un fait maléfique isolé en véritable danger social pour les institutions religieuses.

Contrairement à la prostitution qui est une forme de contraception externe au cadre du mariage religieux, la sorcellerie sexuelle attaque directement le fondement même de l’union marital et toute la stabilité sociale de la religion. Pour l’Église comme pour le pouvoir capétien, l’utilisation de méthode contraceptive illégale indique clairement un refus social et politique des institutions en place.

Cette évolution morale transforme une société féodale aristocratique qui s’ ouvre de plus en plus vers un renouveau spirituel et social, au sein de la pensée chrétienne omniprésente. «Entre le mari et l’épouse s’établit une relation sentimentale (dilectio) excellente primordiale, sauf que dans cette conjonction la direction (proelatio) revient à l’Homme; la soumission (subjectio) à la femme.»

Pour défendre ses nouveaux droits intellectuels de femme et son rang égalitaire d’épouse, la noblesse féminine du XIIe siècle redécouvrit la contraception et l’érotisme littéraire. Ce phénomène symbolisait le nouveau concept dit de ‘’L’Amour Courtois’’, dès le premier quart du XIIe siècle. L’érotisme aristocratique des Troubadours méridionaux se transformait peu à peu en une philosophie sexuelle extra conjugale. La contraception était une connaissance peu répandue en vérité, lié au comportement d’une élite aristocratique limitée au Sud de la France.

La Femme modelait de plus en plus une nouvelle gestion sociale et politique remplaçant la société virile. l’Église avait évincé la Femme des décisions politique du pouvoir, mais elle utilisait l’image de la féminité pour développer une nouvelle sensibilité politique glorifiant la passion spirituelle sur la passion guerrière. La gloire et la mort devenait féminine, tant pour l’homme d’Église que pour l’homme de guerre. Bon gré mal gré, la religion chrétienne participait à cette revalorisation culturelle de la féminité au sein du monde médiévale.

Deux types de sources nous permettent de comprendre, indirectement, les techniques et les modalités de la contraception féminine. Grâce à de rares traités médicaux en la matière, rédigés à différentes époques historiques, l’historien peut analyser des informations sur la morale sexuelle et l’éducation savante qui en découlaient.

Cependant, la source première qui définit le mieux les pratiques de contraception demeurent les textes des documents juridiques ou religieux qui avaient été écrits pour condamner de telles pratiques. Par contraception on peut définir des pratiques anticonceptionnelles interdisant la fécondation, des techniques d’avortements volontaires et l’infanticide postnatal.

Affaires de femme, la contraception restait une ambiguïté dans la pensée médiévale entre devoir conjugale et plaisir interdit. La femme médiévale dans son histoire a souvent utilisé la contraception sans plaisir, car dans la plupart des cas la cause principalement de l’acte sexuel était relié à un viol non consentie.

Les études les plus récentes démontrent que le viol est la source de la contraception féminine. Corrompre la nature reproductrice de la femme englobait autant des pratiques sexuelles contraceptives, à l’exemple du fameux ‘’coitus interruptus’’. Le plus souvent elle représente l’avortement et l’infanticide qui demeuraient insérés dans le processus de détruire toute chance de naissance involontaire.

Dans le monde des sages-femmes plusieurs techniques médicales, mécaniques ou magiques étaient connues pour contrarier l’action naturelle de la gestation du fœtus. Ces connaissances féminines étaient transmises le plus souvent par le bouche à oreille entre femmes.

L’apparition d’une magie médicale lié à la sexualité provoque des croyances dangereuses pour la santé des pratiquantes. Derrière l’utilisation des talismans, dont le statut est ambigu, on y trouve une foule de pratiques héritées de l’Antiquité, représentant plus des ‘’trucs’’ que de véritables techniques de contraception. 

Le libertinage courtois des femmes de l’aristocratie occitane provoque une évolution des connaissances pratiques du corps féminin. Ceci provoqua le retour d’une juridiction civile et religieuse fortement institutionnalisé dans la haute noblesse, car une femme pratiquant la contraception refusait de remplir le rôle que la société lui avait assigné. En utilisant des méthodes contraceptives, outre les conséquences spirituelles que cela entraînait, elle sapait les bases de la société féodale créé par les hommes.

Les techniques contraceptives connues au Moyen Age étaient de plusieurs formes. Il y avait celle concernant le rapport sexuel et celle concernant la mort du nouveau-né après sa naissance.

Les méthodes anti-conception pendant un acte sexuel :

– se badigeonner le sexe de suc et substance provenant de fœtus animal mort-né

– faire préparation de tisane à base d’herbes connues comme étant purgative

– avaler ou placer dans le vagin de la crotte d’éléphant avant le coït (voir son herboriste le plus proche mais coût très élevé)

– se laver profondément le vagin avec de la suie ou graisse animale

– s’introduire dans le vagin une petite pochette d’herbe végétale purgative mélangée avec de la graisse animale (de préférence mort-né)

– pendant l’acte lui-même la femme doit se tenir au-dessus de l’homme car le sperme de celui-ci ne pourrait être aspiré par la vagin

– le coït anal est recommandé par la médecine savante comme la technique la plus efficace pour ne pas concevoir

– pendant l’acte l’homme peut essayer de se retenir de faire semence si la femme lui maintien fortement la base de la verge avant éjaculation (technique dit du coitus interruptus) un galant se doit de faire sa chose dehors et non en dedans selon les troubadours du XIIe siècle.

– Si l’homme n’est pas galant la femme doit se retirer du Vir de l’homme (le Vir étant l’appellation du sexe de l’Homme) sortir du lit et faire trois saut en avant puis trois saut en arrière, talon au fesse pour faire descendre la semence encore liquide. Ensuite elle doit descendre sept fois et remonter sept fois des marches d’escalier pour encourager l’expulsion du vagin des derniers survivants. 

Empêcher la naissance après un acte sexuel

Il est bon de rappeler que toute chose lié à la contraception était interdite par la morale chrétienne. La pression sociale était de mise et le fait de se fournir en herbe contraceptive pouvait conduire au bûcher, surtout pour les femmes du peuple.

– faire des décoctions d’herbes et de plantes abortives pour empêcher le fœtus de se former

– se nettoyer fortement le vagin à grande eau ou avec tisane d’herbe

– faire jeun et prière auprès de certaine sainte chrétienne pour conjurer le mauvais sort

– faire des exercices très violent avec de nombreuses chutes pour détruire le fœtus pris dans le ventre (technique très mortelle pour la femme)

– si le fœtus se forme, aller le chercher avec des pinces en métal pour le retirer du ventre (technique utilisée dans le monde oriental et franque) 

Enfin pour finir, laisser naître l’enfant et dès sa sortie du ventre le jeté dans la fosse des communs ou le donner au cochon comme pâture ou le livrer au sort de Dieu en le laissant mourir en pleine forêt.

Au début du XVe siècle, les ordres religieux féminins commencèrent à s’occuper sérieusement de la contraception en invitant les jeunes mères à leur laisser le fruit défendu qui était né. Le début des orphelinats fut une volonté religieuse de contrer la mortalité infantile en ville, surtout dans la classe sociale dirigeante comme la noblesse puis plus tard la bourgeoisie.

BIBLIOGRAPHIE 

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Jean Marie PAUPERT, Contrôle des naissances et théologie, Du seuil, Paris ,1967.

Notes et références :

Jean Marie PAUPERT, Contrôle des naissances et théologie, Du seuil, Paris ,1967, p.51

Georges Duby, ‘le chevalier, la femme et le prêtre’’, Hachette, paris, 1981, p.38

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