La prohibition avant 1920: une croisade contre «le Démon ennemi de Dieu»

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Dès la seconde moitié du XIXe siècle, plusieurs organisations chrétiennes luttent contre les ravages de l’alcoolisme en Amérique du Nord. Dès 1830, plusieurs mouvements de tempérance, du latin temperancia qui signifie «modération du plaisir» voient le jour, avec le mandat biblique de lutter contre Satan à travers l’alcool et ses abus.

Au Canada depuis 1850, les principaux mouvements de la tempérance sont la Dominion Alliance , Sons of Temperance et la Woman’s Christian Temperance Union (WCTU). Ils incitent le pouvoir politique à contrôler le débit d’alcool, en imposant la fermeture des hôtels et tavernes dans les comtés frontaliers majoritairement protestants, comme ceux de Brome et de Missisquoi.

L’ivrognerie, les bagarres et les crimes de sang sont dénoncés comme les maux de la société moderne nord-américaine du XIXe siècle, issus de la consommation d’alcool maison, comme le «whisky de patate». La problématique du fléau de l’ivrognerie touche majoritairement les femmes et les enfants, car les consommateurs sont les maris et pères de famille travaillant pour les chemins de fer ou en foresterie sur la frontière Québec-Vermont. Les «Rum Hole » sont espionnés et dénoncés par la WCTU.

Dès 1860, une évolution politique voit apparaître la volonté d’imposer par la justice des hommes la bonne morale de Dieu contre la consommation d’alcool, soit interdire sa vente avec une prohibition, du latin prohibitio signifiant «tenir loin de moi». C’est ainsi que la première loi de prohibition au Canada est née dans les Cantons de l’Est en 1864. Elle a été présentée par le ministre de l’agriculture et député du comté de Brome Christopher Dunkin, qui lui donna son nom Dunkin Act.

Cette mesure législative contre la consommation d’alcool proposée par l’honorable député Dunkin au Parlement du Canada-Uni (Ontario-Québec) n’est pas dû au hasard, car Mme Dunkin est affiliée au WCTU de Knowlton. De fait, cette nouvelle loi permettait aux élus du comté et conseillers municipaux de voter une interdiction pour toute vente ou consommation d’alcool dans un commerce sur leur territoire. La prohibition établit un règlement «sec», pour permettre le contrôle de l’alcool, tout en luttant aussi contre l’athéisme, l’adultère et la science naturelle.

En 1878, le député fédéral Richard William Scott propose un projet de législation identique à la Dunkin Act au niveau du Dominion canadien. C’est le Scott Act qui est voté par le Parlement à Ottawa sous le vocable public de Loi de tempérance du Canada.