Un patrimoine ancestral au Québec : le muret gaélique en pierre sèche

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Patrimoine ancestral qui jalonne les sentiers montagneux et les vallons des Cantons de l’Est au Québec, ces murets représentent un savoir-faire vieux de plusieurs millénaires. Protégé en Europe, cette architecture d’apparence simple représente pourtant une technique de maçonnerie artisanale très complexe. Elle symbolise l’équilibre parfait entre l’élégance de l’oeuvre et la matière brute de la roche terrestre. C’est la pierre angulaire d’une maçonnerie millénaire.

La pierre sèche ou «dry stone» : une maçonnerie millénaire 

Maçonnerie demandant un réel savoir-faire, la technique de la pierre sèche est un assemblage parfait de pierres brutes non taillées, sans utilisation de liant ou de mortier. Elle se qualifie par un jeu d’empilement habile et un calage de différentes pierres entre elles, selon leur poids, leurs formes et leurs volumes. Chaque muret est unique de part la densité des pierres utilisées pour sa construction. Par l’élégance dans l’espace géographique qu’elle occupe, cette architecture si discrète demeure le témoin d’une maîtrise millénaire depuis l’âge du Néolithique.

En Europe, plusieurs bâtis de pierres sèches dates de quatre mille ans avant Jésus-Christ, soit bien avant les pyramides d’Égypte. Le meilleur exemple est celui des tumulus funéraires mégalithiques de Bougon, dans les Charentes en France. Découvertes au XIXe siècle, ces constructions en pierres sèches ont été faites pour soutenir des dalles de pierre pesant entre 60 et 80 tonnes. Utilisé comme tombeau et lieu sacré, chaque tertre est construit avec un ensemble de muret en pierres sèches, savamment accordés entre eux. À travers le monde, on retrouve plusieurs méthodes et modèles de bâti en pierre sèche, liés à des époques différentes d’habitations humaines en milieu rural. Dans le vocabulaire courant, nous utilisons encore le mot cabane, qui est un vieux terme Provençal désignant un bâti en pierre sèche.

Une technique agraire entre force et équilibre

Si aujourd’hui encore on retrouve de nombreux murets protégeant les terres, la technique de pierre sèche est avant tout une méthode de construction agraire, encore utilisée comme servitude pour délimiter une zone de culture. Elle demande principalement une bonne connaissance du dérochement, soit extraire des pans de roche par un moyen mécanique du sol à cultiver. Les terres pierreuses imposent toujours un épierrement systématique pour la culture agraire. Cette opération consiste à débarrasser la terre de toutes les roches lors du défrichement à la main ou à la charrue.

Trier et choisir les pierres en fonction de leur forme et volume est la première étape pour construire un muret ou un bâti. Matériau de base, ces pierres non taillées seront réunis selon leur taille, pour monter la fondation. Tout l’art du bâtisseur est dans le bon choix de son assemblage, en tenant compte du poids de chaque pierre pour maintenir la pesé de l’ensemble. L’habitude de manier la roche et un sens aiguisé de la géométrie s’imposent pour monter un véritable casse-tête, en tenant compte du paysage et de ses aspérités et dénivelés.

D’emblée le maçon est en relation directe avec les éléments qui l’entoure, car que ce soit du calcaire, du grès, du schiste ou du silex, le bâtisseur travaille avec une logique pour trier, placer et monter sa fondation. Pas de hasard, mais bien un savoir artisanal pour créer une base profonde possédant une excellente assise pour supporter le poids total (la semelle). Le calage des pierres de soutien (les boutisses) demeure la partie la plus pensée. Entre la poussée du poids vers le bas et la force de maintien dirigée au centre de son architecture, chaque construction est une maîtrise de l’équilibre où chaque pierre est au coeur de la structure.

coupe transversale d’un muret- source pierreseche.fr

Le montage de la fondation doit être combiné avec un remplissage de petites roches (la fourrure) pour assurer un drainage efficace, évitant les infiltrations d’eau contre la dislocation par le gel du muret. Les pierres les plus massives servent à stabiliser l’ensemble (la semelle et les boutisses), les autres servent à caler et maintenir le jeu de force au sein de la fondation. La patience et le coup d’oeil expert sont nécessaires pour construire des murs solides face aux intempéries qui travaillent tous les murs et murets.

Un patrimoine culturel à sauvegarder

Simple promeneur ou cycliste, prenez le temps d’une pause pour admirer ces joyaux de pierres juxtaposées entre elles. on remarque une robustesse et une finesse dans l’assemblage des roches, simplement liées par le jeu de leur poids et de leur taille. Malheureusement, beaucoup de murets ne sont plus entretenus et abandonnés au temps qui passe par manque d’intérêt. Pour peu que l’on regarde ses vieux murets comme des édifices venus du fond des âges de l’Homme, c’est toute la base de l’architecture humaine qui se retrouve devant nous. Une simple pierre soutenant une autre pour construire un équilibre parfait avec élégance.

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Laurent Busseau

http://historien-sans-frontiere.com

Source information :

ARBATI-France-remerciement à Laurent Marchand de Aslonnes en Poitou-France

www.pierreseche.com

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