Depuis l’Antiquité, les premiers traités égyptiens mentionnent cette problématique de crise de nerf intense chez la femme. Hippocrate, savant grec et père de la médecine occidentale, étudie les textes égyptiens et mésopotamiens qui décrivent les symptômes chez la femme, provocant parfois des actes de violences, des tentatives de suicide, voir des infanticides dans le pire des cas.
Le terme commun «Hystérie», provenant du grec hysterion (utérus ou matrice) qui identifiait la croyance d’une «suffocation de la matrice» comme origine du problème de désordre et de folie chez la femme. Les romains médecins pratiquaient des massages pelviens par jet d’eau sur leurs patientes pour faire descendre «l’Hysterion» , considéré comme un être vivant et malicieux. Ils préconisaient à l’épouse ou la veuve des cures thermales, soit la santé par l’eau ou SPA (Salute Per Agua en latin).
XIIe -XVe siècle
Au Moyen-Age, plusieurs Traités médicaux reprennent les théories de l’Antiquité sur l’Hystérie féminine. Au XIIIe siècle, L’Église catholique reprend le contrôle sur toute forme de médecine et invoque la Sorcellerie pour «guérir le mal des femmes». C’est dans les Traités et les rapports de l’Inquisition que les historiens retrouvent la description des méthodes de soins manuels des guérisseuses mais aussi celles des religieuses.
XVIe-XIXe siècle siècle
Mateo Renaldo Columbus (1516-1559), Professeur d’anatomie à l’université de Padoue, est le premier à vérifier scientifiquement l’existence de l’orgasme féminin. Il décrit un petit organe érectile situé au niveau de la vulve, auquel il donne le nom de clitoris, nom qui vient du grec « kleitoris » et signifie « monticule ».
Le massage clitoridien est utilisé comme traitement de l’hystérie. La morale ne fait pas d’obstacle à ce traitement puisqu’à l’époque, car sans l’Homme, la jouissance n’est pas reconnue à la femme. Au dire des médecins, il faut compter une heure pour amener une patiente au paroxysme, temps trop long et fatiguant manuellement pour les thérapeutes.
1865
Le tout premier vibrateur apparaît pour aider les médecins à ne plus avoir de crampes articulaires avec les massages. Inventé par George Taylor, c’est un appareil à vapeur assez encombrant. Un vibrateur manuel mécanisé, beaucoup plus commode, fait également son apparition : Une manivelle fait tourner un disque légèrement décentré, ce qui permet la production de vibrations sur une tige caoutchoutée.
1880
Toujours dans une perspective de traitement en masse de l’hystérie, le médecin britannique Joseph Mortimer Granville (1833-1900) fait breveter le premier vibrateur électromécanique, permettant de traiter six patientes à l’heure au lieu d’une seule.
1890-1900
Avec la psychanalyse créée par Jung et Freud pour traiter le plan émotionnel, hormonale et intime de l’hystérie, le monde médical masculin associait l’hystérie à plusieurs symptômes différents, comme la crise de nerf, la fatigue menstruelle mais la lecture de roman français et l’étouffement dû au corset en Angleterre.
Aux USA, les journaux médicaux conseillent au mari d’acheter cet appareil à sa femme «pour la bonne marche du foyer, pour la relaxation nerveuse de l’épouse dévouée»., car l’usage du vibrateur individuel devient donc «hygiénique».
Innovation électrique importante, comme le grille-pain et le téléphone, le vibrateur électrique entre dans les foyers, devenant l’un des cinq objets domestiques les plus courants. À l’Exposition universelle de 1900 à Paris, une collection de vibromasseurs électriques ou à essence seront exposés au titre de grandes innovations technologiques et médicales.
1905-1920
Le vibromasseur devient plus petit et portatif, il fait son entrée dans les foyers. On peut même trouver de la publicité dans des magazines féminins comme Modern Woman, ou Needlecraft (magazine sur l’art de tricoter).
Dès 1905, le fameux catalogue de vente par correspondance américain SEARS propose plusieurs modèles de vibrateur aux femmes au foyer. Avec la Prohibition et la crise de 1929, la morale religieuse et politique réprouve la vente de tout appareil vibrateur créant un comportement «socialiste» chez les femmes.
1940-1950
Les premières études cliniques sur la sexualité féminine redéfinissent l’approche médicale de l’Hystérie et autres troubles liés à la sexualité. Avec les travaux du sexologue américain Kinsley, le vibrateur disparaît rapidement des cabinets médicaux et des catalogues. Il devient tabou et clandestin.
1960-1980
En 1965, le magazine Cosmopolitan fait scandale avec son best-seller « Sex and the Single Girl », ou « le sexe et la femme célibataire ». Avec les années 1980, le vibrateur se transforme dans sa forme et ses fonctions grâce à l’innovation culturelle et technologique japonaise qui révolutionne l’objet.
1980-2000
En 1987, L’American Psychiatric Association (APA) élimine la nymphomanie de sa liste des troubles mentaux reconnus, ainsi que pour son équivalent masculin, le donjuanisme. Les nouveaux travaux de la sexologue américaine Hite, permet de sortir du placard l’objet tabou.
Aujourd’hui
Le vibrateur représente une technologie évolutif la plus vendue au monde, mais il a toujours garder une fonction médicale. Des médecins sexologues et cancérologues au Québec utilisent toujours certains vibromasseurs fabriqués par des laboratoires médicaux, comme thérapie dans les cas des soins contre le cancer de l’utérus.
Bibliographie
Edelman, Nicole, Les métamorphoses de l’hystérique. Du début du XIXe siècle à la Grande Guerre, Paris, Éd. La Découverte, 2003
Foucault, Michel, Histoire de la sexualité : T1. La volonté de savoir, Gallimard, Paris, 1976.
Foucault, M., Histoire de la sexualité : T2. L’usage des plaisirs, Gallimard, Paris, 1984.
Maines, Rachel, Technologies de l’orgasme. Le vibromasseur, l’«hystérie» et la satisfaction sexuelle des femmes, Payot, Paris, 2009.